L'ABC du wallon normalisé

 

Prononciation

Le wallon unifié – rifondou walon – a été mis au point par une équipe de jeunes praticiens des langues vivantes à la fin du siècle dernier. Il est basé sur la charpente historique des mots wallons. Dès lors, comme toutes les langues du monde qui ont dépassé le cap de la graphie dialectale, on n'a plus qu'une seule orthographe par mot. Néanmoins, cette graphie dite unifiée peut se décliner, à l'oral, de plusieurs façons. Ainsi, par des réflexes de lecture relativement faciles à acquérir, on pourra retrouver une grande variété d'accents régionaux du wallon. Quelques exemples (attention : les E finaux ne se prononcent pas) :

åbe [arbre] åbe (Hesbaye), âbe (Ardennes), aube (Namur), ârbe (Ouest); (le B final se prononce P).

abeye [vite !] abèye (Liège), abîye, abîe (ailleurs).

avoenne [avoine] avon.ne (Liège & Ardennes), awin.ne (Namur), awène (Ouest).

bea, pea [beau, peau] bê, pê (Liège & Ardennes), bia, pia (Namur & Charleroi).

bijhe [bise] he (Liège), hye (ich-laut, Haute-Ardenne), ze (localement), je (ailleurs).

côp [fois, coup] cônp, conp (Ardennes), côp (Namur), cp (Nivelles); (le P final ne se prononce pas).

eshonne [ensemble] èsson.ne, èssonle (Liège), èchène, èchëne (Namur), inchène, insan.ne (Ouest), assan.ne, assanle (Sud).

fetchire [fougère] fètchîre (Liège & Ardennes), fètchêre (Namur & Charleroi), fètchière (Chestrolais).

fondou [fondu] : fondou (Liège), fondë (Jodoigne & Bertrix); fondu (ailleurs).

f [hors] fû (Sud-Ardennes), f (ailleurs).

haper [prendre] : haper (Liège), aper (Namur), apè (Entre-Sambre-et-Meuse, Famenne); (le ER final se prononce É).

moes [mois] ms (Liège), ms (ailleurs), mwas (localement); (le S final ne se prononce pas).

moirt [mort] mwârt (Namur), mwért, mwêrt (Liège), mônrt, moûrt (Ouest), mwart, mwèrt (localement); (le T final ne se prononce pas).

ndè [en] dji ndè vôreu nén fé on vraiy [je n'oserais l'affirmer] dj' ennè vôreu nin fé on vrêy (Namur & Liège); djè 'dè voûreu nén fé in vrê (Charleroi).

papî [papier] pap (Chestrolais), papî (partout ailleurs).

pexhon [poisson] hon (Liège), chon (ailleurs).

s(i)piter / (è)spiter [éclabousser] s(i)piter (Liège, Namur), (è)spiter (Charleroi), s(u)piter (Ardennes), s(i)pitè, (i)spiter, s(ë)piter (localement).

scheure [secouer] heure (Liège), cheure (Namur & Sud-Ardennes), (è)skeure (Ouest).

tchaf [mâchonner, bavarder] tchafî (Liège), tchaf (Namur), tchafier, tchaf (Ardennes), tchafyi, tchafiyî, tchafiyi (localement), taf (Extrême-Ouest).

tchén [chien] tchén (é nasalisé, Ouest), tché, tchîn (localement), tch (Chestrolais), tchin (ailleurs).

vicaedje [mode de vie] vikèdje (Liège), vicadje (Namur Sud-Ardennes), vicâdje (Ouest); (le DJ final se prononce TCH).

 

La désaccentuation

La désaccentuationdisfaflotaedje – vise à enlever à l'orthographe wallonne le caractère patoisant (truffé d'accents et d'apostrophes) des écritures anciennes. Il s'ensuit que :

Les E internes se prononcent toujours È : pexhon se dira pèchon ou pèhon. Seule exception, les groupes terminaux -ere (mere, mizere [mère, mizère]) et -er (substantifs mer, cazer [mer, quartier populaire]) où le premier E se prononce É (mére, mér, mizér, cazér).

Les voyelles I, U et OU, si elles sont suivies de R ou d' une consonne sonore B, D, DJ, GU, JH, V ou Z sont toujours longues : Lidjwès [Liégeois] se prononce lîdjwè; vudî, tuzer [vider, réfléchir] se prononcent vûdî, tû; plouve [pluie] se prononce plf.

 

Préservation de certains acquis du 20e siècle

Certains acquis du système de notation du 20ème siècle (système Feller) sont conservés :

1. Les consonnes sonores finales étymologiques sont conservées graphiquement, même si elles se prononcent sourdement : yebe [herbe], rastrinde [diminuer], rodje [rouge], longue, taijhe tu [tais-toi], plouve [pluie], ze [rose] se prononcent pe, rastrinte, rotche, lonke, taiche tu, ploûfe, rônsse, quel que soit l'accent du wallon.

2. l'absence de doubles consonnes non phonétiques : berwete [brouette], novele [nouvelle] se prononcent bèrwète, novèle, quel que soit l'accent du wallon.

3. Ainsi, le double N représente une nasale suivie d'un N : mannet [sale], i trinnéve [il traînait], nonna [non, pas du tout] se prononcent man.nè; trin.néve (le V final se prononce F), non.na, quel que soit l'accent du wallon.

4. Les E muets finaux ne se prononcent pas : berdouye [boue] (berdouy), frisse [frais] (fris'), rispite [rebondit] (rispit').

 

Fixations de certaines latitudes du système Feller

Plusieurs options proposées par Michel Francard dans le Dictionnaire des Parlers wallons du Pays de Bastogne ont été retenues en wallon unifié, notamment la suppression des E muets internes ou des apostrophes internes remplaçant un E muet, une voyelle instable, ou la succession de deux consonnes inhabituelles en français. Dès lors :

Les voyelles instables de la première syllabe disparaissent graphiquement : vey vini [voir venir] / po vni [pour venir].

Toutes les consonnes internes se prononcent : ritni [retenir] (et non riteni) se prononce rit'ni.

On laisse systématiquement un intervalle après chaque apostrophe, qui correspond toujours à un mot élidé à la fin. Cette habitude typographique, facilement automatisable, permet une meilleure aération du texte, individualise nettement chaque mot, et empêche les mécoupures et les agglutinations de mots. La suppression des minutes (fris', pous' devenant frisse, pousse) complète judicieusement l'arsenal des mesures permettant cette automatisation.

D'autre part, les graphes représentant le son K sont limités à C (devant U, O, A et consonne) et K (dans tous les autres cas).